J’ai dit (no.38) que les actions sont toujours choisies en fonction de la force des émotions qui les motivent: on agit toujours selon notre émotion la plus forte, c’est-à-dire celle qui prétend pouvoir maximiser notre plaisir. La dernière question à poser porte sur la provenance de cette force. Pourquoi une émotion est-elle plus intense qu’une autre? Nous avons déjà parlé de cela en invoquant la hiérarchie des besoins (no.22). Il y a des raisons de penser que certains besoins sont plus importants que d’autres de façon générale, nommément les besoins d’attachement. Outre cela, la force de nos émotions n’est fonction que de la somme de nos expériences passées. Quand on vit des événements, nous ressentons différents effets sur nos besoins. Des associations se forment et des instructions prescrivant de poursuivre ou d’arrêter de vivre ces événements se forment aussi. Les émotions sont le résultat de ces processus complexes.
Pour terminer notre exemple, un premier point à observer est que ce n’est pas tout le monde qui a tendance à vouloir s’apaiser en mangeant du gâteau. Or, cela s’explique par les expériences passées. En effet, comme je l’ai dit (no.20), l’apaisement est d’abord un état relationnel. Par conséquent, il est possible de penser qu’un enfant qui trouve toujours son réconfort auprès de ses parents ne devienne pas une personne qui s’apaise autrement que par des relations. À l’opposé, quelqu’un qui ne trouve pas de figure apaisante dans son environnement est forcé de transférer son espoir d’apaisement vers un autre objet. Maintenant, pourquoi serait-ce transféré sur le gâteau et pas la cigarette? Cela aussi s’explique par les événements vécus. Ainsi, si une personne ne sait pas c’est quoi un gâteau, il est impossible qu’elle ait l’idée d’être apaisée par le gâteau. De façon analogue, si ses parents lui ont fait sentir que les personnes qui se laissent aller à la gourmandise sont méprisables, il y a peu de chances qu’elle s’apaise par le gâteau. À l’opposé, si une personne développe effectivement l’habitude de s’apaiser par les gâteaux c’est nécessairement qu’elle a vécu des expériences qui l’ont menée à associer gâteau et apaisement. Par exemple, peut-être qu’un jour où elle était particulièrement déprimée, le hasard a mis un gâteau sur sa route et le sentiment qu’elle en a retiré l’a incitée à recommencer.
Un deuxième point à observer est que ce n’est pas tout le monde qui a peur d’engraisser. Cependant, encore une fois, cela s’explique par les événements vécus. Par exemple, une personne avec un métabolisme très élevé a probablement appris de ses expériences que le risque qu’elle engraisse est presque nul. De la même façon, une société où les critères de beauté favoriseraient l’embonpoint ferait de sorte que les individus qui y vivraient seraient emballés par la perspective de prendre un peu de poids. Bref, dans tous les cas, on agit toujours selon les émotions les plus fortes (celles qui nous semblent pouvoir apporter le plus de plaisir) et cette intensité s’explique par la hiérarchie innée de nos besoins de même que par l’ensemble de nos expériences passées. Or, puisque personne ne choisit d’avoir des besoins plus importants que d’autres, et puisque personne ne choisit de vivre les événements qui se présentent à elle, alors on peut dire que l’intensité des émotions est déterminée par des événements que nous subissons.