À cause de la tradition que je viens d’évoquer, la position que je défends paraît probablement contre-intuitive aux yeux de plusieurs personnes. De fait, si les émotions causent toutes les actions, il pourrait sembler difficile d’expliquer les situations où les désirs sont contradictoires. Je vais donc terminer le chapitre en analysant un conflit interne selon la théorie déployée jusqu’ici.
Prenons un conflit interne classique: celui d’être tenté par un énième morceau de gâteau. Spontanément, nous avons l’impression que, dans ce type de conflit, notre raison affronte nos émotions. Je défends que cela n’est pas la bonne façon de conceptualiser ces conflits. En fait, chaque désir représente une ou plusieurs émotions. Comme je l’ai déjà dit (no.18), chaque émotion est la façon que notre organisme utilise pour nous informer que telle action permettrait de combler un certain besoin. Par exemple, on pourrait penser que les deux besoins qui s’affrontent ici sont le besoin d’être admiré en préservant une belle forme physique (un besoin d’attachement) et le besoin d’être apaisé par le sucre (un autre besoin d’attachement). Clairement, les deux besoins ne peuvent pas être satisfaits en même temps. Conséquemment, chaque besoin produit un ensemble d’émotions pour nous convaincre que c’est lui qu’il faut combler. Ainsi, le besoin d’être admiré déclenche la peur d’engraisser, le mépris de la sécurité émotionnelle fournie par le sucre, etc. Ces états nous portent à vouloir résister au gâteau. À l’opposé, le besoin d’être apaisé par le sucre entraîne la peur d’être angoissé toute la soirée, la confiance d’être en mesure de ne pas manger d’autres desserts de la semaine, etc. Ces états nous portent à vouloir succomber au gâteau. En résumé, au départ, les conflits internes se manifestent lorsque deux besoins contradictoires veulent être satisfaits en même temps et que nous ressentons les émotions contradictoires produites par chaque besoin.