Il est intéressant de constater que les mêmes expériences peuvent ne pas mener à la création des mêmes associations. Par exemple, supposons qu’un garçon et une fille vont dans un restaurant. Ils commandent leur plat favori et chacun s’apprête à le manger. À ce moment, le chef, qui les connaît, vient les saluer. Lorsque celui-ci quitte, la fille regarde son plat et ressent une peur intense. Qu’est-ce qui s’est produit? Le plat est soudainement devenu l’entrée d’une émotion de peur. Cela veut dire que la rencontre avec le cuisinier a créé chez la fille (mais pas chez le garçon) une instruction prescrivant la peur. Pourquoi? L’expérience préalable et les associations qui en ont résulté ont été prises en compte lors de la création des associations par rapport au plat. Par exemple, peut-être que le cuisinier était un ami du garçon mais un prétendant frustré de la fille. Dans ce cas, le garçon avait associé le cuisinier à des moments de plaisir. À l’opposé, la fille avait associé le cuisinier à un danger de vengeance. C’est pour cela que la fille associe maintenant le plat devant elle à un danger potentiel: il est possible que le cuisinier ait saisi cette occasion pour accomplir sa vengeance. Cette association est fonction des associations précédentes. À la fin, cette association crée par rapport au plat une instruction prescrivant la peur, si bien qu’elle finit par avoir peur de le manger. Bref, les associations que nous possédons affectent la création des associations subséquentes.
Terminons ce point en précisant que cet effet est cumulatif. Supposons deux frères ayant le « même » vécu. Chaque petite différence crée une association différente. Par exemple, le second dans la fratrie n’a pas exactement les mêmes parents, il a un frère alors qu’il est bébé, etc. Ces petites différences peuvent aisément finir par s’amplifier, à la façon d’une boule de neige, et arriver à expliquer comment des émotions largement différentes peuvent caractériser chaque frère à l’âge adulte.